PONTALIS, 10 ans après

Jean-Bertrand PONTALIS est décédé le 15 janvier 2013, soit il y a exactement 10 ans. Peut-être peu connu du grand public, il reste, pour les praticiens d’aujourd’hui, un grand maître de la psychanalyse.


Agrégé de philosophie, élève de MERLEAU-PONTY et de SARTRE, il fut d’abord un grand enseignant avant de venir à la psychanalyse dans les années 1960 et de faire son analyse didactique sous l’égide de LACAN, dont il se séparera quelques années plus tard en adoptant des positions critiques contre le structuralisme introduit dans la psychanalyse notamment PONTALIS est un homme de gauche, à l’esprit libre, dont les analystes conservent essentiellement en mémoire son « vocabulaire de la psychanalyse » paru en 1967 en collaboration avec Jean LAPLANCHE sous la direction de Daniel LAGACHE.

Cet ouvrage majeur qui ne se veut ni dictionnaire, ni encyclopédie, vise à donner une réflexion complète sur ce que Freud a pu élaborer, et d’autres à sa suite, dans un esprit à la fois théorique et critique ; c’est l’ouvrage de référence de tout enseignant en psychanalyse et de tout praticien dans sa recherche théorique.
Mais réduire PONTALIS à cet ouvrage serait lui faire injure.

Outre le fait qu’il a été un grand théoricien, il a su, par son immense culture, tant philosophique que littéraire, faire le lien entre toutes ces matières pour s’en inspirer, comme Freud l’avait d’ailleurs fait lui-même en son temps.

Car la psychanalyse ne se limite pas à une théorie appliquée, elle n’est pas une matière brute, mais trouve ses fondements les plus remarquables dans les œuvres philosophique et littéraires autant que dans les rêves les plus fous et les moins avouables, et surtout, dans l’écoute de la vie des autres.

C’est ce que PONTALIS a toujours souligné lorsqu’il écrit, comme un conseil à ses pairs (Fenêtres collection folio 2000 p 28 et 29) :

Ne pas s’empresser de traduire. Ne pas substituer notre théorie, nos constructions, à celles que le patient s’est forgées (chacun de nous a son idée pour expliquer et même pour justifier qu’il est fait comme il est fait). Consentir à être exposé à cette passion, à cette rage, à ces sanglots, à ces silences, à toutes les formes de la démesure, dans l’ignorance de ce qui les suscite. Se laisser atteindre, meurtrir, démolir dans son être. Demeurer dans l’obscur, rêver, si possible, dans ce noir traversé de brèves éclaircies pour tenter de s’approcher au plus près de ce qui m’est radicalement étranger, de ce que l’autre éprouve comme lui étant étranger, mais à quoi il ne peut échapper.


Et plus loin, cet aveu en forme de regret, dans le même ouvrage :

J’aimerais n’avoir jamais écrit une ligne qui ne me soit venue de ce que mes patients m’ont permis de deviner : des choses toutes simples bien souvent, et pourtant insoupçonnées d’eux-mêmes et de moi.


La psychanalyse serait de fait, une communication d’inconscient à inconscient.
C’est, de mon point de vue, cette expérience profondément humaine et modeste dont il faut se nourrir, que PONTALIS nous apporte encore… 10 ans après.

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