Mémoires Intérieurs

C’est ce beau titre de François Mauriac que je voudrais mettre à l’honneur dans les pages de ce site, d’une part pour faire suite à la conférence du 6 octobre 2022 à l’association HÂ 32, mais d’autre part et surtout, pour l’intérêt psychanalytique qu’il peut présenter, contre toute attente.

En effet, Mauriac n’est pas l’auteur qui vient spontanément à l’esprit dans la pensée psychanalytique : la culpabilité permanente qui habite la plupart de ses personnages, le lien très fort au catholicisme qu’il affiche comme une marque distinctive de sa vie, pourraient apparaitre comme autant d’empêchements ou de contradictions avec les principes de toute bonne réflexion psychanalytique.

Or, l’ouvrage tardif et très personnel que l’auteur publie à l’âge de 74 ans, vient apporter un démenti flagrant à ce préjugé.
Mauriac accepte de quitter son costume d’académicien, met à distance le prix Nobel obtenu en 1952, n’épouse aucun des traits de ses personnages romanesques les plus connus. Il devient lui-même ; Il se présente au jour le jour dans ses réflexions les plus personnelles, ne recule devant aucune contradiction, notamment lorsqu’il parle de Maurice Barrès qu’il admire toujours et ne peut désavouer complètement.

Et pourtant, l’ouvrage n’est ni une autobiographie, ni même un journal intime. C’est une continuité de réflexions du même ordre que celles qui s’enchaînent sur le divan du psychanalyste, sans a priori, avec ce qui semble n’être que des coq-à-l’âne mais ne sont ni plus ni moins qu’une application de la méthode de libre association préconisée par la psychanalyse.

On passe du bonheur nostalgique qu’apportent l’automne et la saison des vendanges, au dernier ouvrage lu, ou relu, au conflit larvé de l’auteur avec son homologue André Gide dont il faut bien, à un moment ou un autre, vider l’abcès…pour purger la mémoire.

C’est donc bien à une forme d’autoanalyse que se livre François Mauriac (même s’il s’en défend), un peu comme Freud l’a lui-même fait dans son abondante correspondance avec son ami et médecin Wilhelm Fliess.

Mais comme toujours, il faut prendre garde aux résistances, et elles sont toujours nombreuses et surprenantes : Mauriac cherche manifestement à plaire à son lecteur, comme Freud ne souhaite pas heurter son ami Fliess, et comme nous-mêmes nous avons toujours la tentation d’être aimé par notre analyste…

Derrière la liberté de la parole et son efficacité grâce à la libre association, malgré la facilité que peut offrir le divan, même si les regards ne se croisent pas, se cachent toujours les vieilles peurs de vexation psychologique auxquelles nous ne souhaitons jamais nous trouver confrontés…

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